Stéphanie BILLARANT
CHIMÈRE
Entrelacs de formes organiques et végétales donnant naissance à des créatures hybrides, évoquant un monde en pleine mutation à la frontière du réel et de l' imaginaire.
"Au commencement régnait le magma, puis l'eau, de l'eau surgirent les bactéries s'agglomérant et formant des corps prenant forme progressivement, lentement, au fil des siècles, dans une immobilité d'apparence mais grouillement secret en profondeur. De ce remugle patiemment élaboré, cette soupe primaire, jaillit le monde végétal, nourri de l'eau, mais sorti de l'eau. Impatient, combattif, déterminé, il prit possession de la terre et se répandit dans un jaillissement tumultueux et conquérant jusqu'à couvrir toute la surface de notre globe que les eaux n'avaient pas envahie.
Stéphanie Billarant se laisse envahir par cette pulsion première à l'origine de toute vie. Sous son trait, éclate le bouillonnement initial, formé en une jungle dense où s'imbrique la vie, mais où on discerne en observant attentivement des éléments précis, ciselés et suggestifs : ici une plante, là un tronc, là encore un foisonnement de branches ou même une aile d'oiseau, un corps de femme, un œil... Au cœur du foisonnement des lignes, chacun voit selon son imaginaire...
Dans cette image solennelle qui se structure et ouvre l'esprit, Stéphanie place des éléments intangibles : l'eau source de toute vie et le ciel comme une espérance. Parfois aussi une chasuble ou un kimono vient rappeler la force de l'esprit en communion avec la matière vivante. Certains tableaux vibrent comme une oraison.
Conçu dans la méditation et le silence d'un atelier, riche d'un travail obstiné, cet univers est bichromique, noir et blanc ou noir et or, pour rappeler que la chose est solennelle et grave. Incroyablement précis et dense, il s'offre comme un livre essentiel à décrypter peu à peu, variant sans doute à chaque visite. Son message, structuré et foisonnant, ne cède à aucune facilité. Telle est l'artiste.
D'abord impressionnantes par leur densité, ces toiles s'apprivoisent et exigent de chaque spectateur un effort de concentration pour partager l'émotion et entrer dans la démarche en la personnalisant.
Stéphanie ne décrit pas, elle ouvre un territoire à l'imaginaire de chacun, elle est passeur de cette force luxuriante qui a fait de la terre une planète unique dans les milliards d'étoiles et planètes de l'univers et nous rappelle par ce travail qu'il convient de s'y faire une place sans l'asservir, de l'apprécier sans la domestiquer, l'aimer sans l'étreindre, la respecter sans ironie.
Elle est passeur de vie."
Antoine Georges